• ©Jean Marie Lanlo/©SNE

Vingt-cinq ans après la présence officielle du Québec au Salon du Livre de Paris en 1999, la scène littéraire québécoise est en pleine effervescence. Cette invitation est donc une nouvelle occasion de permettre aux amoureux des livres d’en découvrir les auteurs confirmés et les plumes émergentes. Geneviève Pigeon, présidente de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), et Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition (SNE) et du Festival du Livre de Paris, détaillent les contours de l’invitation d’honneur du Québec à Paris. 

Quels sont les liens entre l’édition française et québécoise ? 
Quelles sont les singularités entre ces deux paysages éditoriaux qui partagent la même langue ? 

Vincent Montagne : Le Québec et la France ont une langue en partage. Les professionnels du livre des deux pays se connaissent bien et collaborent depuis longtemps, ils se retrouvent régulièrement dans les salons du livre, que ce soit à Montréal, en France ou ailleurs dans le monde. Le Québec jouit par ailleurs d’une image très attractive auprès des Français. Néanmoins, les auteurs québécois et leurs écrits restent encore trop méconnus en France. L’édition 2024 du Festival du Livre de Paris est l’occasion idéale de combler ce déficit. 
Le Québec est entouré des autres provinces canadiennes, majoritairement anglophones, et des États-Unis. Cette collaboration avec le Québec est aussi une manière de célébrer la francophonie et ainsi de soutenir les auteurs de toutes nationalités qui écrivent en français. C’est symbolique et fondamental pour promouvoir la diversité dans un monde où le dialogue est souvent difficile. Je pense par exemple au dramaturge Wajdi Mouawad qui a quitté Beyrouth dans son enfance pour le Québec et met aujourd’hui en scène ses textes en français partout dans le monde. 

Geneviève Pigeon : L’édition québécoise est d’une immense vitalité qui n’est pas sans rappeler le dynamisme de l’édition française dont elle s’est grandement inspirée. Plusieurs éléments structurant le marché du livre français ont été implantés au Québec, pensons notamment à l’office. En ce sens, le modèle québécois est beaucoup plus proche de la France que du Canada anglais, malgré la proximité géographique de ce dernier. 
Si notre tradition littéraire est encore très jeune en comparaison avec la France, il ne fait aucun doute que nos deux nations partagent l’importance de la culture et de la langue. Au même titre que leurs homologues français, les éditeurs et éditrices ont à cœur de contribuer à la bibliodiversité en publiant certes des auteurs québécois et de plus en plus d’écrivains autochtones, mais aussi des œuvres étrangères et des traductions. Plusieurs auteurs français adorent venir au Québec pour participer à nos salons du livre et à des tournées en librairies, de la même manière que les auteurs québécois sont nombreux à figurer parmi les invités phares de différents événements littéraires en France. 

Vingt-cinq ans après la dernière invitation d’honneur, que représente cette nouvelle tribune pour l’édition québécoise ? 

Geneviève Pigeon : Être l’invité d’honneur d’un grand festival comme celui de Paris revêt, au-delà de l’aspect commercial, une grande importance sur le plan symbolique : la reconnaissance de la richesse, de la singularité et de l’audace de notre littérature. Si l’invitation de 1999 a été l’occasion de consolider des liens et de stimuler la découverte, nous avons la chance aujourd’hui de récolter le fruit du travail accompli au cours des vingt-cinq dernières années et d’admirer le chemin parcouru. Un parcours caractérisé par l’éclosion de nouvelles maisons d’édition, par un rayonnement accru de notre littérature à l’international et par le succès en France de plusieurs auteurs québécois. Le Québec a été l’invité d’honneur de plusieurs événements en Europe francophone et l’édition québécoise a particulièrement brillé à l’occasion du Canada à l’honneur à la Foire du livre de Francfort 2021, avec la publication de nombreuses traductions en allemand. La littérature québécoise est aujourd’hui traduite à travers le monde, mais la France demeure le principal marché d’exportation pour le livre québécois. L’invitation d’honneur du Festival du Livre de Paris permettra de faire connaître une plus grande diversité d’œuvres et d’auteurs aux lecteurs de l’Hexagone. 

Vincent Montagne  : Ce qui me frappe, c’est la maturité de son marché. Il est plus visible sur la scène internationale, et ses auteurs sont de plus en plus reconnus en France et dans le monde. Je pense évidemment à Michel Jean, Kevin Lambert, Éric Chacour ou Hélène Dorion, pour ne parler que de l’actualité littéraire la plus récente, mais nous avons aussi célébré à Angoulême Michel Rabagliati et Julie Doucet en 2021 et 2022. Cette invitation est aussi l’occasion de saluer le travail de tous ceux qui contribuent à l’émergence de ces voix singulières, éditeurs, libraires, qui permettent concrètement de mettre ces livres dans les mains des lecteurs. 

Comment les auteurs québécois pénètrent-ils les librairies françaises ? Quelles sont les modalités de rayonnement de la production contemporaine québécoise en France ? 

Geneviève Pigeon : Les livres publiés par les maisons d’édition québécoises se taillent une place sur le marché français par l’exportation directe, la vente de droits ou la coédition. Ces deux dernières stratégies sont rendues possibles par une collaboration avec des maisons d’édition françaises, belges ou suisses, qui prennent le relais pour défendre notre littérature et nos auteurs auprès des libraires. Plusieurs auteurs québécois ont connu un beau succès grâce à ces collaborations, pensons notamment à Gabrielle Filteau-Chiba, Kim Thúy et Dominique Fortier. 
On constate toutefois que de plus en plus de maisons d’édition québécoises choisissent d’exporter leur production en France en partenariat avec des distributeurs et diffuseurs établis. Cela requiert des efforts soutenus et, souvent, le recours à des professionnels français (relationnistes, relation-libraire) qui contribuent de manière inestimable à défendre des titres auprès de la presse, des libraires et des programmateurs littéraires. 
Les éditeurs québécois sont conscients du rôle essentiel que jouent les libraires français pour favoriser la rencontre entre le livre québécois et les lecteurs, et c’est pourquoi l’ANEL les accompagne dans le développement de contacts privilégiés. Aujourd’hui, nous avons la chance de compter sur des libraires français qui sont devenus des ambassadeurs passionnés de littérature québécoise et des passeurs indispensables. On découvre avec joie des vitrines consacrées aux livres québécois, des focus « Québec » dans des festivals, des coups de cœur pour des œuvres québécoises sur les réseaux sociaux. Et, surtout, on sent une curiosité et une reconnaissance de la qualité des textes publiés, que ce soit en littérature jeunesse, en essai, en romans, en poésie, etc. 

Vincent Montagne  : Nos écosystèmes sont très connectés. Les auteurs québécois sont publiés par des éditeurs québécois et français, et des grands groupes français sont implantés au Québec. L’exemple de Kevin Lambert, lauréat des prix Médicis et Décembre en 2023 pour son roman Que notre joie demeure, illustre bien cette collaboration. Son éditeur québécois, Héliotrope, a travaillé en étroite collaboration avec son éditeur français, Le Nouvel Attila, pour faire connaître son œuvre au public français. Le travail de chacun permet de faire connaître au public français de nouveaux auteurs... 
Je salue à mon tour les nombreuses initiatives de l’ANEL que Geneviève Pigeon a soutenu. Sans son appui, son engagement et ceux du gouvernement du Québec, que je remercie chaleureusement, nous n’aurions pas l’occasion de découvrir le déploiement de la littérature québécoise aujourd’hui à Paris. 

Plus largement, la lecture est-elle un critère de vitalité de la francophonie ? 

Geneviève Pigeon : La lecture permet cette rencontre avec l’autre, avec sa langue et son univers. Les œuvres viennent témoigner de l’histoire, de la diversité et de la créativité d’une société. Les lecteurs peuvent découvrir des livres d’auteurs de partout dans la Francophonie dans le catalogue des maisons d’édition québécoises. Cette lutte pour la vitalité de la Francophonie demeure indissociable du livre et, plus largement, de la culture québécoise. Certainement inspiré par la priorité accordée à la lecture en France, le Québec lancera en 2025 une année du livre et de la lecture. Une initiative que nous attendons avec impatience. 

Vincent Montagne : Nous avons besoin de lecteurs, de tous les âges et de tous les continents ! Amener le public vers les textes est un enjeu essentiel. La lecture nourrit d’ailleurs également l’écriture. Nous voyons des générations rivées sur les écrans, mais observons dans le même temps l’arrivée de manuscrits toujours plus nombreux dans les maisons d’édition. 
C’est l’un des paradoxes de notre époque. Notre mission ultime est de faire grandir les lecteurs de demain et de leur donner toutes les cartes de la compréhension du monde grâce au livre et à l’écrit. Nous croyons à l’importance de toutes les écritures francophones. 

Que souhaitez-vous au public français lors de ces trois jours ? 

Geneviève Pigeon : Je leur souhaite de s’étonner devant l’audace et la diversité de ce que le livre québécois a à offrir et devant ce monde littéraire à part entière que propose le Québec, avec sa langue et son imaginaire incomparables. Souhaitons aussi que ce soit l’occasion pour les lecteurs d’approfondir des relations et d’aller à la rencontre d’auteurs qui les ont émus, de venir les écouter sur scène et d’échanger avec eux et avec leurs éditeurs pour ancrer, encore plus profondément, le livre québécois dans leurs habitudes de lecture. 

Vincent Montagne : Je souhaite que le public français fasse de belles découvertes au Festival du Livre de Paris, qu’il rencontre des auteurs et des maisons d’édition qu’il ne connaissait peut-être pas avant. Nous attendons près de 1 200 auteurs en trois jours. J’espère que nos visiteurs rentreront chez eux conquis, avec l’envie de dévorer les romans, BD, essais, poèmes ou toutes autres formes littéraires rencontrées et la joie d’avoir plongé dans la littérature québécoise !

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